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  la chevalerie du moyen âge, ce serait une ironie du hasard que l'école des
  Schlegel nous eût donné la meilleure traduction d'un livre qui est le plus
  réjouissant miroir de sa propre folie.]
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  III
   
  Parmi toutes les folies de l'école romantique en Allemagne, la constance avec
10 laquelle on loua et vanta Jacob Boehme, [le cordonnier de Goerlitz], mérite
  une mention particulière. Ce nom était comme le schiboleth de ces gens-là.
  Quand ils prononçaient le nom de Jacob Boehme, ils faisaient leurs plus
  sérieuses grimaces[]. Je ne pourrais dire si ce singulier cordonnier fut un
  philosophe aussi distingué que beaucoup de mystiques allemands l'assurent,
15 car je n'ai jamais rien lu de lui; mais je suis persuadé qu'il ne faisait pas
  d'aussi bonnes bottes que M. Sakoski. En général, les cordonniers jouent un
  certain rôle dans notre littérature, et Hans Sachs, un cordonnier [qui vivait
  en 1454 à Nuremberg], est regardé, par l'école romantique, comme un de
  nos meilleurs poëtes. Celui-là, je l'ai lu, et je dois avouer que je doute que M.
20 Sakoski ait jamais fait d'aussi bons vers que notre vieux et laborieux Hans
  Sachs.
  [J'ai encore à indiquer l'influence de M. Joseph Schelling sur l'école
  romantique. Il résidait alors à Jéna, qui était le quartier général de l'école.
  M. J. Schelling, ce que le public ignore, a aussi écrit des poésies sous le nom
25 de Bonaventura; entre autres une pièce intitulee: les Dernières paroles du
  pasteur de Drontheim. Cette pièce n'est pas mal; elle est mystérieuse, sinistre
  et saisissante. C'est l'histoire d'un ministre protestant qui est enlevé à minuit
  de chez lui par des cavaliers masqués; il est conduit, les yeux bandés, dans
  une vieille église, oùon lui commande de donner la bénédiction nuptiale à
30 deux jeunes gens qui sont agenouillés devant l'autel. La fiancée est d'une
  rare beauté, mais triste et pâle comme la mort. Aussi, à peine la cérémonie
  est-elle finie que les cavaliers masqués lui tranchent la tête. Le pasteur est
  reconduit chez lui après avoir prêté serment de ne jamais dévoiler ce qu'il a
  vu; aussi n'a-t-il divulgué ce secret qu'à son lit de mort.
35 J'ai déjà parlé de l'importance philosophique de M. Schelling; j'ai montré
  sa splendeur d'autrefois, et j'avais, hélas! à rapporter aussi son état actuel,
  sa déplorable alliance avec le parti du passé, la déchéance de cette royauté
  philosophique.]
  La haine et l'envie ont causé la chute des anges, et il est malheureusement
40 trop certain que le dépit de voir Hegel grandir toujours en considération a
  conduit le pauvre M. Schelling oùnous le voyons maintenant, c'est-à-dire
  dans les rets de cette [triste] propagande dont le quartier général est à
  Munich. M. Schelling a trahi la philosophie et l'a livrée à la religion. Tous
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