Mon tresor cheri!
		Quoique j'ai ma migraine aujourd'hui – (et tu sais ce que c'est!) – je veux
5		cependant t'envoyer quelques lignes avec le bateau à vapeur qui part cette
		nuit. A l'instant j'ai reçu ta seconde lettre avec celle de Me Darte, qui m'a
		fait baucoup de bien. Je te prie de dire bien des choses de ma part à Me
		Darte.
		Depuis que j'ai reçu de tes nouvelles je suis plus calme et je finis mes
10		affaires avec mon assurance habituelle, j'allais dire avec mon toupêt habitel. –
		Tout le monde se porte bien ici; Charles et Therèse qui sont de retour de leur
		équipée ont bien regretté ton depart. – J'ai la mer en horreur, depuis que je
		sais combien elle t'a fait souffrir. – Et la separation! Quel malheur! C'est
		alors, quand on est separé l'un de l'autre, qu'on sent combien on s'aime! Que
15		je serai heureux de te revoir bientôt!
		Ce que tu dis d'Auretia ne m'étonne guerre. Je n'ai jamais douté que son
		coeur ne soit aussi cuivré que sa piau! Mais je ne comprends pas encore comment
		moi je peux être pour quelque chose dans les cancans. J'ai pris assez de pre-
		cautions pour me tenir hors de cause, pour ne pas me compromettre par la
20		moindre chose, pour ne pas donner prise à la mechanceté. Le Diable, dit le
		proverbe, porte envie à tous les menages heureux et cherche à y glisser ses
		oeufs de discorde. Ma cherie, nous chercherons toujours à nous preserver
		contre la mechanceté des mauvaises langes, et j'espère qu'on ne saurait porter
		atteinte à ma tranquillité quand on rapportera tout ce que tu as fait dans mon
25		absence – on ne manquera pas de le faire, n'oublie pas cela! – Adieu ma
		cherie. Je pense continuellement à toi. Bien des choses à mon petit melon. –
		L'année prochaine à cette époque nous serons en Italie. Ecris moi bien souvent.
		Ton pauvre mari
		Henri Heiné
Adresse
		Madame
		Me Mathilde Heine,
		Dans le Pensionât de Me Darte,
		101 à  ; C h a i l l ôt ;
5		à
		Paris
		par le Bateau à Vapeur du  H âvr e ôt
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